Moi, piéton ordinaire, j'ai quatre raisons de marcher.
Quand je descends faire des courses, quand je vais au travail, bref, dans mes déplacements du quotidien. Je marche parce que c'est le moyen de locomotion naturel, je fais dehors ce que je fais à domicile, prolongation. Certes, j'emprunte presque tous les jours les transports en commun, métro, bus, et c'est fou ce qu'on marche dans le métro, pour atteindre des destinations plus éloignées (il m'est arrivé d'aller au travail à pied, mais à quatre heures de marche, cela ne se fait qu'à l'occasion).
Quand je dis, après le repas par exemple, "je vais marcher un peu": une promenade, digestive en l'occurrence. Ou bien pour montrer Paris aux amis. Le trajet et la distance parcourus peuvent être longs, peu importe, ce qui est ici décisif c'est la visée d'un entour.
Quand je pars en exploration dans Paris. Pour suivre les travaux sur les boulevards des Maréchaux orientaux, et la transformation des quartiers. Pour effectuer mes quêtes thématiques (sur les ponts, sur les oeuvres d'art dans l'espace public, sur les places, etc.).
Quand j'ai besoin de faire le vide, de mettre de l'ordre dans la tête et les idées, d'aspirer l'air et de me dépenser. C'est la marche pour les effets qu'elle procure. Marcher avant de dormir. Dans ce registre, il faut préciser que je ne marche pas pour rencontrer Dieu, je dis cela car certains marchent pour faire le vide pour préparer cette rencontre, de même et plus généralement je ne marche pas comme moyen recherché de méditation, même si cela exerce cet effet sur moi, en fait je ne recherche pas d'effet, j'étouffe et je dois sortir et aller droit devant, et donc marcher.
Je pourrais courir.
Mais non, marcher ordinairement.
Ce n'est pas du sport, ni une activité de fitness ou autre chose de ce genre.
Je ne marche pas pour m'éprouver, je ne fais pas de randonnées, je ne pars pas en expédition de plusieurs jours, je ne ferai jamais le chemin de Saint-Jacques de Compostelle.
Toute marche qui me distrairait du monde autour n'est pas pour moi.
S'arrêter à la seconde, humer les parfums, de fleurs et de femmes, capter un rayon de lumière, un reflet, une expression, un coup d'oeil, le balancement d'une branche, l'élancement des grands arbres qui ne sont pas des clowns de majesté, qui rassurent sur la mort puisqu'ils seront encore là après... Tout cela, aller à pied le permet.
Je ne marche pas pour marcher, je marche pour être dans le monde, parce que je suis dans le monde.