em>Au pont National, la Petite Ceinture jouxte colle à la voirie, du côté de l'aval. Une grille les sépare.
Des deux côtés, du vide, mais ici ce vide s'anime de temps à autre, la Petite Ceinture, elle, je ne l'ai jamais vu fonctionner depuis que je l'ai effleurée pour la première fois il y a 38 ans.
Une friche de 38 ans dans Paris.
Sur la rive droite, l'ancienne "gare frigorifique de Paris-Bercy" - grandes lettres apposées entre deux arches, sous la corniche à même hauteur que le pont-ci, les bâtiments sont au-dessus, fenêtres vitrées brisées taguées, folie de graffitis dans tous les sens, et au-dessous les béances sombres d'arches qui renferment quoi ?, à hauteur de berge, inondables.
Le ballast entre les voies est stérile, les buissons maigrichons poussent seulement entre le dernier rail et, côté fleuve, le trottoir de secours, côté du pont-ci, le talus. Les herbes osent entre les rails. Mais entre les deux voies, rien que la caillasse, du moins au milieu du pont. (Sur les rives, là-bas, la végétation envahit tout.)
Dès qu'un angle, une anfractuosité a accumulé un peu de pourriture, d'humus, ça pousse.
Les bas-côtés retiennent aussi les feuilles mortes, et les ordures volantes.
Un câble caténaire sectionné pend de part et d'autre de la suspension, les extrémités stoppent à un mètre du sol, le vent balance mollement les deux fils à la potence. Ils ne disent mot, c'est chacun pour soi.
C'est toujours comme çà, tu élèves le regard pour comprendre l'accroche et en fin de compte tu rencontres de l'azur et des nuages, duveteux ici, dans la perspective s'entassent là-bas, massif gris épais dans la trouée du fleuve.
A l'accroche, l'arrondi avant la chute.
Il me fascine,
la non brisure,
elle écarte les deux moitiés qui ont du champ pour se laisser aller,
les fils ne sont pas rigides, le ciel n'est pas livide, le coin est abandonné mais pas mort, les fils poétisent au temps qu'il fait, les malingres budleyas tremblotent, les herbes frémissent, ça va.